PRÉFACE.
Qu’on ne soit pas surpris du ton
passionné qui règne dans quelques-unes
des lettres de Sterne à Eliza.
Tous les sentimens d’affection se
confondoient dans son ame et n’y
conservoient aucune nuance distincte :
l’amitié y prenoit aisément la forme
de l’amour, c’est-à-dire, qu’il éprouvoit
pour son amie ce qu’il auroit
senti pour une amante ; c’étoient les
mêmes épanchemens, les mêmes
transports et les mêmes peines. Eliza,
trop délicate pour résister au brûlant
climat de l’Inde, vint en Angleterre
respirer l’air natal. Le hasard lui procura
la connoissance de Sterne : Il
découvrit en elle un esprit si bien fait
pour le sien, si doux et si tendre,
qu’une espèce de sympathie les rapprocha
et les unit de l’amitié la plus
vive et la plus pure qui ait jamais
existé. Il l’aimoit comme son amie ; il
mettoit son orgueil à la nommer sa
pupille, et à la diriger par ses avis.
Santé, besoins, réputation, tous les
intérêts d’Eliza lui devinrent personnels ;
ses enfans furent les siens, et