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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/301

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Elle a écrit ; et les hommes de sa nation, qui ont mis le plus d’élégance et de goût dans leurs ouvrages, n’auroient pas désavoué le petit nombre de pages qu’elle a laissées.

Lorsque je vis Eliza, j’éprouvai un sentiment qui m’étoit inconnu. Il étoit trop vif pour n’être que de l’amitié ; il étoit trop pur pour être de l’amour. Si c’eût été une passion, Eliza m’auroit plaint ; elle auroit essayé de me ramener à la raison, et j’aurois achevé de la perdre.

Eliza disoit souvent qu’elle n’estimoit personne autant que moi. À présent, je le puis croire.

Dans ses derniers momens, Eliza s’occupoit de son ami ; et je ne puis tracer une ligne sans avoir sous les yeux le monument qu’elle m’a laissé. Que n’a-t-elle pu douer aussi ma plume de sa grâce et de sa vertu ? il me semble du moins l’entendre : « Cette Muse sévère qui te regarde, me dit-elle, c’est l’histoire, dont la fonction auguste est de déterminer l’opinion de la postérité. Cette divinité volage qui plane sur le globe, c’est la Renommée, qui ne dédaigna pas de nous entretenir un moment de toi : elle m’apporta tes ouvrages, et prépara