Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/33

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CALAIS.


Je marchais dans le long corridor ; il me sembloit qu’une ombre plus épaisse que la mienne en obscurcissoit le passage : c’étoit effectivement monsieur Dessein qui, étant revenu de vêpres, me suivoit complaisamment, le chapeau sous le bras, pour me faire souvenir que je l’avois demandé. La préface que je venais de faire dans la désobligeante m’avoit dégoûté de cette espèce de voiture, et monsieur Dessein ne m’en parla que par un haussement d’épaules, qui vouloit dire qu’elle ne me convenoit pas. Je jugeai aussitôt qu’elle appartenoit à quelque voyageur idiot, qui l’avoit laissée à la probité de monsieur Dessein, pour en tirer ce qu’il pourroit. Il y avoit quatre mois qu’elle étoit dans le coin de la cour ; c’étoit le point marqué, où, après avoir fait son tour d’Europe, elle avoit du revenir. Lorsqu’elle en partit, elle n’avoit pu sortir de la cour sans être réparée ; elle s’étoit depuis brisée deux fois sur le Mont-Cenis. Toutes ces aventures ne l’avoient pas améliorée, et son repos oisif dans le coin de la cour de monsieur Dessein ne lui avoit pas été favorable. Elle ne valoit pas beau-