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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/36

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les mêmes yeux de colère, que si j’avois été en chemin pour aller au coin de Hyde-Parc me battre en duel avec lui. Je ne savois pas trop bien manier l’épée, et je ne me croyois pas capable de mesurer la mienne avec celle de monsieur Dessein… mais cela n’empêchoit pas que je ne sentisse en moi les mouvemens dont on est agité dans cette espèce de situation… Je regardois monsieur Dessein avec des yeux perçans… Je les jetois sur lui en profil… ensuite en face… Il me sembloit un Juif… un Turc… Sa perruque me déplaisoit… J’implorois tous mes dieux pour qu’ils le maudissent… Je le souhaitois à tous les diables…

Le cœur doit-il donc être en proie à toutes ces émotions pour une bagatelle ? Qu’est-ce que trois ou quatre louis qu’il peut me faire payer de trop ? Passion basse ! me dis-je en me retournant avec la précipitation naturelle d’un homme qui change subitement de façon de penser… Passion basse, vile !… tu fais la guerre aux humains : ils devroient être en garde contre toi… Dieu m’en préserve, s’écria-t-elle, en mettant la main sur son front… et je vis, en me retournant, la dame que le moine avoit abordée dans la cour… Elle nous avoit suivis sans que