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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/39

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tures. Cependant je ne pensai plus à elle, et continuai d’écrire ma préface.

L’impression qu’elle avoit faite sur moi revint aussitôt que je la rencontrai dans la rue. L’air franc et en même-temps réservé avec lequel elle me donna la main, me parut une preuve d’éducation et de bon sens. Je sentois, en la conduisant, je ne sais quelle douceur autour d’elle, qui répandoit le calme dans tous mes esprits.

Bon Dieu, me disois-je, avec quel plaisir on mèneroit une pareille femme avec soi autour du monde !

Je n’avois pas encore vu son visage… mais qu’importe ? son portrait étoit achevé longtemps avant d’arriver à la remise. L’imagination m’avoit peint toute sa tête, et se plaisoit à me faire croire qu’elle étoit une déesse, autant que si je l’eusse retirée du fond du Tibre… Ô magicienne ! tu es séduite, et tu n’est toi-même qu’une friponne séduisante… Tu nous trompes sept fois par jour avec tes portraits et tes images… mais aussi tu les fais si gracieux, ils ont tant de charmes… tu couvres tes peintures d’un coloris si brillant, qu’on a du regret à rompre avec toi.

Lorsque nous fûmes près de la porte de