Aller au contenu

Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/463

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assister à un pareil spectacle. Quelques philosophes ont eu beau peindre la nature humaine avec d’autres couleurs (et à quel but ? je l’ignore.) la réalité combat tellement leurs systèmes, que d’après le penchant naturel qui nous porte vers un malheureux, nous exprimons cette sensation par le mot humanité, comme si elle étoit inséparable de nous. Dans la première partie de ce discours, j’ai semblé croire le contraire en adressant quelques reproches aux égoïstes qui ne paroissent prendre aucune part à rien, si ce n’est à ce qui les concerne, et cependant je suis persuadé, pour rendre justice à notre nature, qu’un homme s’est fait une violence extrême, et a souffert plus d’un combat pénible avant d’être parvenu à ce degré d’insensibilité.

Observez que le prêtre passa de l’autre côte ; il eût pu passer, me direz-vous, à côté du malheureux voyageur sans tourner la tête ; non. Un acte d’inhumanité est toujours accompagné d’un blâme secret, dont les méchans ne peuvent pas triompher ; tel homme, comme celui-ci, peut commettre un acte de barbarie qui, au même instant, rougira en vous regardant en face ; il est forcé de détourner ses yeux avant d’avoir le