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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/471

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cas elle n’est point, à proprement parler, la racine de ces maux, elle n’en est que les branches.

Cette pensée me fait souvenir que j’ai dit plus haut que l’avarice n’est point une passion naturellement cruelle. Elle ne se présente pas d’abord à notre imagination sous cet aspect. Nous la considérons comme une inclination criminelle, incapable de nous faire juger et exécuter ce qui est bon ; mais comme elle ne travaille pas pour elle-même, pour savoir ce qu’elle est réellement, il faut connoître quels maîtres elle sert ; ils sont innombrables et de différentes humeurs ; l’avarice emprunte de chacun d’eux quelque chose de leurs caractères et de leurs passions.

Voilà pourquoi il y a dans l’amour de l’argent un mystère plus grand, plus singulier, que dans toute autre problême qu’on puisse proposer, quelque bisarre qu’il soit.

Dans la supposition la plus favorable, quand cette passion semble ne chercher autre chose que son propre amusement, il y a bien peu de choses à dire sur son humanité. Ce qui est un plaisir pour l’avare est la mort pour d’autres hommes. Au moment où cette inclination sordide saisit le timon et gouverne, adieu toutes les affections honnêtes et na-