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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/518

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de la générosité, et de toute autre vertu trop spécieuse pour être examinée, et trop aimable pour être soupçonnée.

Ces traits suffisent pour montrer combien il est difficile de connoître le vrai caractère des hommes ; faisons un pas de plus, et disons que quand même en plusieurs occasions nous pourrions parvenir à cette connoissance, cela ne suffiroit pas pour motiver notre jugement. Il y a mille circonstances qui accompagnent chaque action, et qui ne peuvent être sues du monde. Cependant on doit les connoître et les peser avant de prononcer avec justice la sentence définitive. Un homme peut avoir des vues et des sentimens différens de ceux que ses juges ont de lui ; ce qu’il a entendu faire, ce qu’il sent, ce qui se passe en lui peut être un secret dont son cœur conserve profondément le trésor. Assailli d’infirmités naturelles, et d’une complexion défectueuse qu’il n’est pas en son pouvoir de corriger ; il peut être sujet à des inadvertances, à des écarts, à des erreurs de tempéramment ; il peut être exposé à des pièges qu’il ne sait pas prévoir, par ignorance, par manque de jugement et et d’instruction ; il peut travailler dans l’obscurité : dans tous ces cas, il peut faire beau-