Aller au contenu

Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce système, et ne l’aurois considérée que sons ce point de vue général.

Elle s’étoit à peine éloignée de moi de vingt pas, que quelque chose d’intérieur en moi me faisoit désirer plus de particularités sur son compte… L’idée d’une longue séparation vint me saisir et m’alarmer… il pouvoit se faire que je ne la revisse plus..... Le cœur s’attache à ce qu’il peut, et je voulois au moins des traces sur lesquelles mes souhaits pussent la rejoindre, si je ne la revoyois plus moi-même : en un mot, je voulois savoir son nom, celui de sa famille, son état..... Je savais l’endroit où elle alloit, je voulois savoir l’endroit d’où elle venoit. Mais comment parvenir à toutes ces connoissances ? Cent petites délicatesses s’y opposoient. Je formai vingt plans différens : je ne pouvois pas lui faire des questions directes, la chose du moins me paroissoit impossible.

Un petit officier françois de fort bon air, qui venoit en dansant au bruit d’une ariette qu’il fredonnoit, me fit voir que ce qui me sembloit si difficile étoit la chose du monde la plus aisée. Il se trouva entre la dame et moi, au moment qu’elle revenoit à la porte de la remise. Il m’aborda, et à peine m’avoit-il parlé, qu’il me pria de lui faire l’honneur