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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/671

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deux ou trois à oublier qu’il existe dans ce monde quelque chose qui ressemble au travail et aux soucis.

Cet innocent oubli de la peine est l’art le plus heureux de la vie ; et la philosophie, avec tout son attirail de préceptes et de maximes, n’a rien qui lui soit comparable. En effet, je suis convaincu que la joie — modérée, et réglée sur de bons principes, — est parfaitement agréable à l’Être bienfaisant qui nous a créés ; — qu’on peut rire, chanter, et même danser, — sans offenser le ciel.

Je ne pourrai jamais, — non, je le dis bien positivement, il ne sera jamais en mon pouvoir de croire qu’on nous ait envoyés dans ce monde pour le traverser mélancoliquement. Tout ce qui m’entoure m’assure le contraire. — Les danses et les concerts rustiques que je vois et que j’entends de ma fenêtre, me disent que l’homme est fait pour la joie. Aucun cerveau fêlé de moine Chartreux, — tous les moines Chartreux du monde, — ne me feroient jamais revenir de cette opinion.

Swift dit, vive la bagatelle ! Moi je dis, vive la joie, qui, j’en suis sûr, n’est point bagatelle. C’est, à mon avis, une chose sérieuse, et le premier des biens pour l’homme.