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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/673

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le sourire sur tous les visages, et de tout côté vous entendez les accens de la joie. — Au moment où je vous écris, j’ai sous ma fenêtre une bonne femme qui joue de la vielle à un groupe de jeunes gens qui dansent avec une gaieté bien plus apparente, et je crois aussi plus réelle, que ne peut l’être celle de vos brillantes assemblées d’Almack.

J’aime ma patrie autant que peut l’aimer aucun de ses enfans, — je connois toute la solidité des vertus caractéristiques du peuple qui l’habite ; — mais dans le jeu du bonheur, il ne fait pas sa partie avec la même attention, ou n’y réussit pas aussi bien qu’on le fait dans ce pays-ci. — Je n’entrerai point dans l’examen de la différence physique ou morale qu’on remarque entre les deux nations ; — cependant, je ne puis m’empêcher d’observer que, tandis que le François possède une gaieté de cœur, qui toujours affoiblit et quelquefois dissipe le chagrin, l’Anglois en est encore à l’ancien temps des François, et continue à se divertir moult tristement.

Combien de fois, dans nos assemblées d’York, n’ai-je pas vu un couple au dessous de trente ans danser avec autant de gravité que s’il eût fait un travail mercenaire, dont