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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/69

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la gaieté perpétuelle de son humeur… Elle suppléoit à tous les talens qu’il n’avoit pas ; elle auroit même, dans mon esprit, effacé ses défauts. Je trouvois toujours des ressources et des motifs d’encouragement dans son air et ses regards, et une espèce de fil qui me faisoit sortir des difficultés que je rencontrois… J’allois dire aussi des siennes ; mais La Fleur étoit hors de toute atteinte des événemens. La faim, la soif, le froid, le chaud, les veilles, la fatigue, ne faisoient pas la moindre impression sur sa physionomie ; il étoit éternellement le même. Je ne sais si je suis philosophe ; Satan veut quelquefois me le persuader ; mais si je le suis, je l’avoue, je me suis trouvé bien des fois humilié en réfléchissant aux obligations que j’ai au caractère philosophique de ce pauvre garçon. Combien de fois son exemple ne m’a-t il pas excité à m’appliquer à une philosophie plus sublime ?… Avec tout cela, La Fleur étoit un peu fat ; mais c’étoit plutôt un mouvement de la nature, que l’effet de l’art. Il n’eut pas demeuré trois jours à Paris, que cette fatuité disparut.