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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/712

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Pensées

disoit que malheureusement il avoit contracté la mauvaise habitude d’être heureux.

Les procureurs sont aux avocats ce que les apothicaires sont aux médecins ; mais les premiers ne commercent pas par scrupules.

L’intelligence divine n’a pas besoin de raisonnemens : les propositions, les prémices et les déductions ne lui sont pas nécessaires. Dieu est purement intuitif ; il voit d’un clin-d’œil tout ce qui peut être. Toutes les vérités ne sont en lui qu’une seule idée, tous les espaces qu’un point, l’éternité même qu’un instant. Voilà l’idée la plus philosophique qu’on puisse se faire de Dieu. Ces qualités conviennent à lui seul, et tout autre être que l’Être éternel seroit malheureux de les posséder. Plus de recherches, d’espérance, de variété, de société : les plaisirs d’un pareil Être, s’il n’étoit pas Dieu, se réduiroient à la pure sensualité.

J’avois un protecteur qui publia les bonnes intentions qu’il avoit pour moi, et qui se paya ainsi d’avance de ma reconnoissance. Un homme généreux peut être comparé au datif de la grammaire latine, qui n’a point d’articles, et qui ne déclare son cas qu’à la fin de la phrase.

Nous pouvons imiter la divinité dans quel-