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Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. André Laurie.djvu/142

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— Mon gars, dit Silver, personne ne te presse. Prends ton temps. Les heures ne nous paraîtront jamais longues en ta compagnie….

— Eh bien, si je dois faire un choix, repris-je d’un ton assuré, j’ai le droit de savoir d’abord pourquoi vous êtes ici et où sont mes amis.

— Ah ! ah !… grommela un des pirates. Il serait fin, celui qui pourrait te dire le pourquoi !…

— Toi, tu vas me faire le plaisir de taire ton bec jusqu’à ce qu’on te donne la parole ! cria Silver à l’interrupteur, d’un ton furieux.

Puis reprenant son air le plus gracieux pour s’adresser à moi :

« Je suis à la disposition de M. Hawkins pour les explications qu’il désire…. Sachez donc, monsieur Hawkins, qu’hier matin, à la première heure, le docteur Livesey nous est arrivé sous pavillon parlementaire. « Capitaine Silver, vous êtes trahi : le navire a disparu, » m’a-t-il dit. C’est vrai que nous avions bu quelques verres de trop pendant la nuit, et chanté à perdre haleine. Bref, nous n’avions plus pensé au navire. Nous tournons tous nos yeux vers le mouillage. Le schooner n’y était plus… Tu vois d’ici la tête que nous avons faite, moi tout le premier… Là-dessus, le docteur propose un arrangement. « Va pour l’arrangement, » lui dis-je. Et le résultat, c’est que nous sommes où tu nous vois, avec les provisions, le cognac, le blockhaus, le bois que vous avez eu l’obligeance de couper pour nous, — bref, toute la boutique… Quant à eux, ils ont déguerpi et nous ne savons pas où ils sont…

Silver s’arrêta pour tirer deux ou trois bouffées de sa pipe, puis il poursuivit :

« Ne va pas au moins te mettre en tête que tu as été compris dans le traité, Jim !… Voici les derniers mots qui ont été échangés : « Combien êtes-vous à évacuer le blockhaus ? » ai-je demandé ? — Nous sommes quatre hommes valides et un blessé, m’a répondu le docteur. Quant au mousse, que le diable l’emporte, je ne sais ce qu’il est devenu, ni ne tiens à le savoir. Nous sommes las de lui et de ses escapades. » Ce sont ses propres paroles.

— Est-ce tout ? demandai-je.

— C’est tout ce que j’ai à te dire, mon fils.

— Et maintenant, il faut que je fasse mon choix ?

— Assurément.

— Eh bien, m’écriai-je, je ne suis pas assez sot pour ne pas deviner à peu près ce qui m’attend… Advienne que pourra !… J’ai vu trop souvent la mort, depuis quelques jours, pour beaucoup la craindre… Mais il y a une chose ou deux que je suis bien aise de vous dire, repris-je en m’animant. La première, c’est que votre position n’a rien pour me tenter : vous voilà sans navire, sans trésor, réduits à cinq, ayant, en un mot, absolument raté votre affaire… Et si vous