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Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. André Laurie.djvu/39

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VII

LE CUISINIER DU NAVIRE.[1]


Les préparatifs du départ prirent plus de temps que ne l’avait supposé le squire, et même le projet du docteur Livesey de me garder tout ce temps auprès de lui ne put être mis à exécution. Le docteur dut aller à Londres pour trouver un jeune médecin qui se chargeât de sa clientèle ; le squire était à Bristol, s’occupant avec activité de l’armement du navire. Je restai au château avec le vieux Redruth, le garde-chasse, à peu près prisonnier, mais ne rêvant que voyages et aventures, déserts étranges et charmants. Presque toutes mes journées se passaient à étudier la carte de l’île, dont les moindres détails étaient gravés dans ma mémoire. Assis près du feu chez la femme de charge, j’accostais en imagination notre île par toutes les directions possibles ; j’explorais chaque arpent de sa surface ; j’escaladais vingt fois par jour la haute colline désignée comme la Longue-Vue, et du sommet je me délectais à contempler le panorama le plus riche, le plus varié. Tantôt l’île était pleine de sauvages que nous combattions et mettions en fuite ; tantôt elle était remplie d’animaux dangereux qui nous donnaient la chasse. Mais dans aucun de mes rêves il ne m’arriva jamais rien d’aussi bizarre et d’aussi tragique que devaient l’être nos véritables aventures.

Les semaines passèrent. Un jour, une lettre arriva, à l’adresse du docteur Livesey, avec cette apostille :

« Pour être ouverte, en cas d’absence, par Tom Redruth ou par le jeune Hawkins ».

Nous, l’ouvrîmes donc, et nous trouvâmes, ou plutôt je trouvai (car le garde-chasse ne savait guère lire que les caractères imprimés) les importantes nouvelles que voici :

  1. On dit en général le « coq » d’un navire. Mais on a systématiquement écarté ici tous les mots d’argot nautique, quand sous prétexte de couleur locale ils ne font que rendre le récit obscur pour le lecteur peu familiarisé avec les choses maritimes.