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Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. Varlet.djvu/128

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L’ÎLE AU TRÉSOR

répéta-t-il. Mais, voyons, qui est-ce qui t’en empêcherait ?

— Ce n’est pas vous, je le sais.

— Sûrement non ! s’écria-t-il. Mais tiens… Comment t’appelles-tu, camarade ?

— Jim.

— Jim, Jim…, fit-il avec un plaisir évident. Eh bien, tiens, Jim, j’ai mené une vie si brutale que tu aurais honte de l’entendre conter. Ainsi, par exemple, tu ne croirais pas que j’ai eu une mère pieuse… à me voir ?

— Ma foi non, pas précisément.

— Tu vois, fit-il. Eh bien, j’en ai eu tout de même une, remarquablement pieuse. J’étais un garçon poli et pieux, et je pouvais débiter mon catéchisme si vite qu’on n’aurait pas distingué un mot de l’autre. Et voici à quoi cela a abouti, Jim, et cela a commencé en jouant à la fossette sur les tombes saintes ! C’est ainsi que cela a commencé, mais ça ne s’est pas arrêté là : et ma mère m’avait dit et prédit le tout, hélas ! la pieuse femme ! Mais c’est la Providence qui m’a placé ici. J’ai médité à fond sur tout cela dans cette île solitaire, et je suis revenu à la piété. On ne m’y prendra plus à boire autant de rhum : juste plein un dé, en réjouissance, naturellement, à la première occasion que j’aurai. Je me suis juré d’être homme de bien, et je sais comment je ferai. Et puis, Jim…

Il regarda tout autour de lui, et, baissant la voix, me dit dans un chuchotement :

— Je suis riche.

Je ne doutai plus que le pauvre garçon fût devenu fou dans son isolement. Il est probable que mon visage exprima cette pensée, car il répéta son assertion avec véhémence :

— Riche ! oui, riche ! te dis-je. Et si tu veux