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Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. Varlet.djvu/132

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L’ÎLE AU TRÉSOR

riche coup plus, souviens-toi bien… dans un gentilhomme de naissance que dans ces gentilshommes de fortune, en ayant été un lui-même. »

— Bien, répliquai-je. Je ne comprends pas un mot à ce que vous venez de dire. Mais il n’en est ni plus ni moins, puisque je ne sais comment aller à bord.

— Oui, fit-il, ça, c’est le chiendent, pour sûr… Mais il y a mon canot, que j’ai fabriqué de mes dix doigts. Il est à l’abri sous la roche blanche. Au pis aller, nous pouvons en essayer quand il fera noir… Aïe ! qu’est-ce que c’est ça ?

Car à cet instant précis, bien que le soleil eût encore une heure ou deux à briller, tous les échos de l’île venaient de s’éveiller et retentissaient au tonnerre d’un coup de canon.

— Ils ont commencé la bataille ! m’écriais-je. Suivez-moi.

Et, oubliant toutes mes terreurs, je me mis à courir vers le mouillage, tandis que l’abandonné, dans ses haillons de peaux de chèvre, galopait, agile et souple, à mon côté.

— À gauche, à gauche, me dit-il ; appuie à ta gauche, camarade Jim ! Va donc sous ces arbres ! C’est là que j’ai tué ma première chèvre. Elles ne descendent plus jusqu’ici, à présent : elles se sont réfugiées sur les montagnes, par peur de Ben Gunn… Ah ! et voici le citemière (cimetière, voulait-il dire). Tu vois les tertres ? Je viens prier ici de temps à autre, quand je pense qu’il est à peu près dimanche. Ce n’est pas tout à fait une chapelle, mais ça a l’air plus sérieux qu’ailleurs ; et puis, dis, Ben Gunn était mal fourni… Pas de curé, pas même une bible et un pavillon, dis !

Il continuait à parler de la sorte, tout courant, sans attendre ni recevoir de réponse.