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Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. Varlet.djvu/16

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L’ÎLE AU TRÉSOR

couturées de cicatrices, les ongles noirs et déchiquetés, et la balafre du coup de sabre, d’un blanc sale et livide, s’étalait en travers de sa joue. Tout en sifflotant, il parcourut la crique du regard, puis de sa vieille voix stridente et chevrotante qu’avaient rythmée et cassée les manœuvres du cabestan, il entonna cette antique rengaine de matelot qu’il devait nous chanter si souvent par la suite :


Nous étions quinze sur le coffre du mort…
     Yo-ho-ho ! et une bouteille de rhum !


Après quoi, de son bâton, une sorte d’anspect, il heurta contre la porte et, à mon père qui s’empressait, commanda brutalement un verre de rhum. Aussitôt servi, il le but posément et le dégusta en connaisseur, sans cesser d’examiner tour à tour les falaises et notre enseigne.

— Voilà une crique commode, dit-il à la fin, et un cabaret agréablement situé. Beaucoup de clientèle, camarade ?

Mon père lui répondit négativement : très peu de clientèle ; si peu que c’en était désolant.

— Eh bien ! alors, reprit-il, je n’ai plus qu’à jeter l’ancre… Hé ! l’ami, cria-t-il à l’homme qui poussait la brouette, accostez ici et aidez à monter mon coffre… Je resterai ici quelque temps, continua-t-il. Je ne suis pas difficile : du rhum et des œufs au lard, il ne m’en faut pas plus, et cette pointe là-haut pour regarder passer les bateaux. Comment vous pourriez m’appeler ? Vous pourriez m’appeler capitaine… Ah ! je vois ce qui vous inquiète… Tenez ! (Et il jeta sur le comptoir trois ou quatre pièces d’or.) Vous me direz quand j’aurai tout dépensé, fit-il, l’air hautain comme un capitaine de vaisseau.