Aller au contenu

Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. Varlet.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
157
LA PALANQUE

à sa vue, il hocha la tête et nous déclara qu’« il faudrait s’y remettre demain un peu plus activement ». Puis, notre lard mangé, et quand on eut distribué à chacun un bon verre de grog à l’eau-de-vie, les trois chefs se réunirent dans un coin pour examiner la situation.

Ils se trouvaient, paraît-il, fort en peine, car les provisions étaient si basses que la famine devait nous obliger à capituler bien avant l’arrivée des secours. Notre meilleur espoir, conclurent-ils, était de tuer un nombre de flibustiers assez grand pour les décider, soit à baisser pavillon, soit à s’enfuir avec l’Hispaniola. De dix-neuf au début, ils étaient déjà réduits à quinze ; ils avaient de plus deux blessés, dont l’un au moins — l’homme atteint à côté du canon — l’était grièvement, si même il vivait encore. Chaque fois qu’une occasion se présenterait de faire feu sur eux, il fallait la saisir, tout en ménageant nos vies avec tout le soin possible. En outre, nous avions deux puissants alliés : le rhum et le climat.

Pour le premier, bien qu’étant à environ un demi-mille des mutins, nous les entendions brailler et chanter jusqu’à une heure avancée de la nuit ; et pour le second, le docteur gageait sa perruque que, campés dans le marigot et dépourvus de remèdes, la moitié d’entre eux serait sur le flanc avant huit jours.

— Et alors, ajouta-t-il, si nous ne sommes pas tous tués auparavant, ils seront bien aises de se remballer sur la goélette. C’est toujours un navire, et ils pourront se remettre à la flibuste.

— Le premier bâtiment que j’aurai jamais perdu ! soupira le capitaine Smollett.

J’étais mort de fatigue, comme on peut le croire ; et lorsque j’allai me coucher, ce qui arriva seule-