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Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. Varlet.djvu/196

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L’ÎLE AU TRÉSOR

tomber dans la mer à grand bruit, j’aperçus d’énormes monstres limoneux — des sortes de limaces, mais d’une grosseur démesurée — par deux ou trois douzaines à la fois, qui faisaient retentir les échos de leurs aboiements.

J’ai su depuis que c’étaient des lions de mer, entièrement inoffensifs. Mais leur aspect, joint à la difficulté du rivage et à la violence du ressac, était plus que suffisant pour me dégoûter d’atterrir là. Je trouvai préférable de mourir de faim en mer, plutôt que d’affronter semblables périls.

Cependant j’avais devant moi une meilleure chance, à ce que je croyais. Au nord du cap Hisse-la-Bouline, sur un espace considérable de côte, la marée basse découvre une longue bande de sable jaune. En outre, plus au nord, se présente encore un autre promontoire — le cap des Bois, d’après la carte — revêtu de grands pins verts qui descendaient jusqu’à la limite des flots.

Je me rappelai que le courant, au dire de Silver, portait au nord sur toute la côte ouest de l’île au trésor, et voyant d’après ma position que j’étais déjà sous son influence, je résolus de laisser derrière moi le cap Hisse-la-Bouline et de réserver mes forces pour tenter d’aborder sur le cap des Bois, de plus engageant aspect.

Il y avait sur la mer une longue et tranquille houle. Le vent soufflait doucement et continûment du sud, sans nul antagonisme entre le courant et lui, et les lames s’élevaient et s’abaissaient sans déferler.

En tout autre cas, j’eusse péri depuis longtemps ; mais dans ces conditions, j’étais étonné de voir combien facile et sûre était la marche de ma petite et légère pirogue. Souvent, alors que je me tenais encore couché au fond et risquais seulement un œil par-dessus le plat-bord, je voyais une grosse