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Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. Varlet.djvu/212

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L’ÎLE AU TRÉSOR

vec un être aussi abjectement stupide, je n’aurais pas de peine à lui cacher mes soupçons jusqu’au bout.

— Du vin ? dis-je. À la bonne heure. Voulez-vous du blanc ou du rouge ?

— Ma foi, j’avoue que c’est à peu près la même chose pour moi, camarade : pourvu qu’il soit fort et qu’il y en ait beaucoup, cré nom, qu’est-ce que ça fait ?

— Très bien. Je vais vous donner du porto, maître Hands. Mais il me faudra chercher après.

Là-dessus, je m’engouffrai dans le capot avec tout le fracas possible, retirai mes souliers, filai sans bruit par la coursive, montai l’échelle du gaillard d’avant, et passai ma tête hors du capot avant. Je savais qu’il ne s’attendrait pas à me voir là, mais je ne négligeais aucune précaution, et assurément les pires de mes soupçons se trouvèrent confirmés.

Il s’était dressé sur les mains et les genoux, et, bien que sa jambe le fît beaucoup souffrir à chaque mouvement — car je l’entendis étouffer une plainte — il n’en traversa pas moins le pont à une bonne allure. En une demi-minute, il avait atteint les dalots de bâbord, et extrait d’un rouleau de filin un long coutelas ou plutôt un court poignard, teinté de sang jusqu’à la garde. Il le considéra d’un air féroce, en essaya la pointe sur sa main, puis, le cachant en hâte sous sa vareuse, regagna précipitamment sa place primitive contre le bastingage.

J’étais renseigné. Israël pouvait se mouvoir ; il était armé à présent, et tout le mal qu’il s’était donné pour m’éloigner me désignait clairement pour être sa victime. Que ferait-il ensuite ? s’efforcerait-il de traverser l’île en rampant depuis la baie du Nord jusqu’au camp du marigot, ou bien tirerait-il le canon, dans l’espoir que ses camarades