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Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. Varlet.djvu/214

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L’ÎLE AU TRÉSOR

terroger à propos du mort. Vous avez manqué à vos engagements ; vous avez vécu dans le péché, le mensonge et le sang ; l’homme que vous avez tué gît à vos pieds en ce moment même, et vous me demandez pourquoi ? Que Dieu me pardonne, maître Hands, mais voilà pourquoi !

Je parlais avec une certaine chaleur, à l’idée du poignard ensanglanté que le misérable avait caché dans sa poche, à dessein d’en finir avec moi. Quant à lui, il but un long trait de vin et parla avec la plus extraordinaire solennité :

- Pendant trente ans j’ai parcouru les mers, j’ai vu du bon et du mauvais, du meilleur et du pire, du beau temps et de la tempête ; j’ai vu les provisions épuisées, les couteaux en jeu, et le reste. Eh bien, sache-le donc, je n’ai jamais vu encore le bien sortir de la bonté. Je suis pour celui qui frappe le premier : les morts ne mordent pas ; voilà mon opinion… amen, ainsi soit-il. Et maintenant, écoute, ajouta-t-il, changeant soudain de ton, ça suffit de ces bêtises ! La marée est assez haute à présent. Je vais te donner mes ordres, capitaine Hawkins, et nous allons nous mettre au plein et en finir.

Tout compte fait, nous n’avions guère plus de deux milles à parcourir ; mais la navigation était délicate, l’accès de ce mouillage nord était non seulement étroit et peu profond, mais orienté de l’est à l’ouest, en sorte que la goélette avait besoin d’une main habile pour l’atteindre. J’étais, je crois, un bon et prompt subalterne, et Hands était, à coup sûr, un excellent pilote, car nous exécutâmes des virages répétés et franchîmes la passe en frôlant les bancs de sable avec une précision et une élégance qui faisaient plaisir à voir.

Sitôt l’entrée du goulet dépassée, la terre nous entoura de toutes parts. Les rivages de la baie du