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Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. Varlet.djvu/260

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L’ÎLE AU TRÉSOR

brasier, qui sous cet aliment insolite flamboyait et ronflait de plus belle. Je n’ai jamais vu êtres plus insoucieux du lendemain : la seule expression « au jour le jour » peut qualifier leur manière de vivre ; et tant par la nourriture gâchée que par leurs sentinelles endormies, et bien qu’ils fussent assez hardis pour une brève escarmouche, je pouvais constater leur entière inaptitude à la moindre apparence de campagne prolongée.

Même Silver, qui dévorait avec Capitaine Flint perché sur son épaule, n’eut pas un mot de reproche pour leur insouciance. Et cela m’étonnait d’autant plus qu’il venait de se montrer plus habile que jamais.

— Ah ! oui, les gars, disait-il, vous avez de la veine que Cochon-Rôti soit là pour réfléchir à votre place avec cette caboche que voilà. J’ai obtenu ce que je voulais, moi. Évidemment, ils ont le navire. Où il est, je ne le sais pas encore ; mais une fois que nous aurons pigé le trésor, il faudra nous grouiller pour le retrouver. Et alors, les gars, puisque nous avons les canots, nous aurons l’avantage.

Il discourait ainsi, la bouche pleine de lard brûlant, et par ce moyen il leur rendait espoir et confiance, et à la fois, je le soupçonne fort, il restaurait en lui ces mêmes sentiments.

— Quant à l’otage, continua-t-il, c’est là son dernier entretien avec ceux qu’il aime tant. J’ai obtenu ma part de nouvelles, ce dont je lui rends grâces, mais c’est fini et terminé. Je le tiendrai en laisse pour aller à la chasse au trésor, car nous le garderons comme s’il était en or, pour le cas d’accident, notez, et en attendant mieux. Une fois que nous aurons à la fois navire et trésor et que nous serons repartis en mer comme de gais compagnons, oh ! alors, nous causerons avec M. Hawkins, nous,