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Page:Stevenson - Le Roman du prince Othon.djvu/125

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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

tions, leur direction nous revient, et avec votre aide je me ris du danger.

— C’est possible, dit Séraphine en soupirant. C’est ailleurs que je vois le danger, moi. Le peuple, ce peuple abominable… s’il allait se soulever sur-le-champ ! Quelle espèce de figure ferions-nous aux yeux de l’Europe, après avoir entrepris une guerre d’invasion alors que mon trône même était sur le point de crouler !

— Ici, Madame, dit en souriant Gondremark, vous n’êtes plus à votre propre hauteur. Qu’est-ce qui entretient le mécontentement du peuple ? Qu’est-ce, sinon les impôts ? Le Gérolstein une fois saisi, nous relâchons les impôts ; les fils reviennent couverts de renommée, les maisons s’embellissent des fruits du pillage ; chacun goûte sa petite part de gloire militaire… et nous voilà de nouveau tranquilles et heureux ! « Oui, ma foi ! se diront-ils l’un à l’autre dans leurs longues oreilles, la princesse, elle, comprend les choses ; oui, c’est une forte tête… nous voilà, voyez-vous, plus riches qu’avant. » Mais à quoi bon expliquer tout ceci ? C’est ce que ma princesse m’a elle-même démontré. Ce fut par ces raisons mêmes qu’elle m’a converti en faveur de l’aventure.

— Il me semble, monsieur de Gondremark, dit Séraphine assez sèchement, que vous attribuez souvent votre propre sagacité à votre princesse.

Pendant une seconde Gondremark fut décontenancé par la subtilité de l’attaque ; mais il se remit vite. — Est-ce vrai ? dit-il. C’est fort possible. J’ai remarqué une tendance semblable chez Votre Altesse.