Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/190

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et l’obscurité était profonde. Longtemps nous marchâmes dans les arbres, longtemps nous nous cognâmes à des haies de jardins, et plus d’un fossé reçut notre visite. C’était Rowley qui s’était emparé des allumettes ; et ni par crainte ni par douceur je ne pus obtenir de lui qu’il en fît usage. « Non, non, monsieur Anne ! répétait-il obstinément. Vous savez bien qu’il m’a dit d’attendre jusqu’à ce que nous soyons de l’autre côté de la colline ! Ce n’est plus très loin, maintenant ! Et moi qui croyais que vous étiez un soldat ! »

Soldat ou non, je fus bien heureux lorsque mon valet consentit enfin à tirer de sa poche la boîte aux allumettes. Nous pûmes alors allumer notre lanterne ; et désormais notre marche fut un peu moins accidentée, à travers un labyrinthe de sentiers, dans le bois. Tous deux bottés et vêtus de longs manteaux, avec des chapeaux à peu près de même forme, et chargés de butin sous les espèces d’un portefeuille de banque, d’une boîte de pistolets et de deux valises rebondies, nous avions très fort l’apparence de deux frères s’en revenant du saccage d’Amersham Place.

Enfin nous débouchâmes sur une petite route campagnarde où nous pûmes marcher de front et sans trop de précautions. Nous étions à neuf milles d’Aylesbury, qui devait être notre première étape ; grâce à une montre, qui faisait partie de mon nouvel équipement, nous vîmes qu’il était environ trois heures et demie ; et comme nous désirions ne pas arriver avant le jour, rien ne nous pressait. Je donnai l’ordre de marcher à volonté.

« Et maintenant, Rowley, dis-je, causons un peu ! Vous avez bien voulu venir, de la façon la plus obligeante du monde, pour m’aider à porter ces valises. Mais ensuite ? Qu’allons-nous faire à Aylesbury ? Ou, plus particulièrement, qu’allez-vous faire ? De là, je pars pour un voyage. Avez-vous l’intention de m’accompagner ? »

Il poussa un petit gloussement.

« Hé ! mais bien entendu, monsieur Anne ! Parbleu, j’ai