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même, comme une brouette de colporteur ? demandai-je. Si je dois rester ici, mon bon monsieur, j’aime mieux acheter une maison avec un jardin !

— Tenez, venez la voir ! » s’écria-t-il ; sur quoi, me prenant par le bras, il m’entraîna jusqu’à la remise où se trouvait l’objet.

C’était exactement la sorte de chaise que j’avais rêvée : éminemment cossue, comme il faut et commode. Le corps était peint dans une nuance lie-de-vin foncée, et l’on devinait que les roues avaient été vertes. La lampe et les vitres brillaient comme de l’argent. Tout l’équipage avait à la fois l’intimité et le luxe qui repoussaient la curiosité et désarmaient le soupçon. Avec une chaise comme celle-là et un serviteur comme Rowley, je sentis que je pouvais traverser les Royaumes-Unis dans toute leur longueur, au milieu d’une population d’aubergistes respectueusement penchés en deux. Et je suppose que je fis voir, sur mon visage, combien le marché me tentait.

« Allons ! cria le maître de poste, je la laisserai à soixante-dix livres pour obliger un ami !

— Mais il y a toujours la question des chevaux ? répondis-je.

— Écoutez ! dit-il en consultant sa montre, il est maintenant huit heures et demie : à quelle heure voulez-vous qu’elle soit devant la porte ?

– Avec des chevaux ? demandai-je.

– Avec des chevaux ! répondit-il. Un bon service en vaut un autre. Vous me donnez soixante-dix livres pour la chaise, et moi je vous procure des chevaux. Je vous ai dit que je ne faisais pas des chevaux, mais je peux en faire, pour obliger un ami ! »

Je serais curieux de savoir ce que le lecteur aurait fait à ma place. Certes, ce n’était pas la chose la plus sage du monde, d’acheter une chaise de poste à douze milles de la maison de mon oncle ; mais, de cette manière, je me trouvais avoir des chevaux jusqu’à l’étape suivante, et tout porte à croire que, sans l’achat de la chaise, j’aurais eu à