Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/243

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plus en sécurité auprès de l’amour de cette femme qu’auprès de sa propre force ? Flora, je suis ce géant, un tout petit géant : voulez-vous être la gardienne de ma vie ? Et voulez-vous prendre mon cœur tout entier, que je vous offre sous ce symbole ? En présence de Dieu, si vous voulez y consentir, je vous donne mon nom ! Si un malheur m’arrive, si je ne puis jamais espérer de vous appeler ma femme, permettez-moi du moins de penser que vous acceptez de vous servir de l’héritage de mon oncle, comme ma veuve !

— Non, non, fit-elle, ne dites pas cela !

— Hé ! m’écriai-je, qu’importent les noms pour moi ? Il n’y a qu’un seul nom sous lequel je vous connaisse ! Flora, mon amour !

— Anne ! » dit-elle.

Quelle musique est si pleine de musique que d’entendre son nom prononcé, pour la première fois, par celle que l’on aime ?

« Bien-aimée ! » répondis-je.

Les barreaux jaloux, enfoncés aux deux extrémités dans la pierre et la chaux, firent tout ce qu’ils pouvaient pour arrêter mon élan. Mais je pris Flora aussi pleinement qu’ils me le permirent. Ma chérie n’évita pas mes lèvres. Mes bras s’enlacèrent autour de sa taille, qui s’offrit volontiers à leur enlacement. Et ainsi nous restâmes, liés et cependant séparés, égratignant nos visages, sans y prendre garde, sur les froids barreaux. Et voilà que, au même instant, l’orage se déchaîna autour de nous. De nouveau le vent se mit à souffler dans les arbres ; une averse de pluie de mer glacée envahit le jardin ; et, pour comble d’ironie de la destinée, voilà qu’une gouttière commença tout à coup à lancer son eau sur ma tête et mes épaules, avec la vivacité d’une fontaine. Je sautai sur mes pieds, Flora se redressa, comme si nous avions été découverts. Et, un moment après, mais cette fois debout, de nouveau nous nous étions rapprochés, aux deux côtés des barreaux.