Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/273

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— Ronald, dis-je, ceci n’est point de votre fait ! Ces paroles ne viennent pas de vous ! Je sais de qui elles viennent : c’est un lâche qui les a mises dans votre bouche !

— Saint-Yves ! s’écria le pauvre garçon, pourquoi me rendez-vous ma tâche si difficile ? En deux mots, je ne puis pas admettre une demande en mariage de la part d’un homme qui se trouve sous le poids d’une accusation comme celle-là ! Mais enfin, par tous les diables, vous devez bien sentir cela vous-même ? C’est la chose la plus absurde dont j’aie jamais entendu parler !

— Ainsi, parce que j’ai eu une affaire d’honneur qui a fini d’une façon malheureuse, vous, — un jeune soldat, ou presque, — vous refusez de me traiter en gentleman ? Vous ai-je bien entendu ?

— Mais, mon cher ami, implora-t-il, pourquoi ne voulez-vous pas comprendre vous-même le caractère particulier de ma situation ? Vous dites, vous, qu’il s’est agi d’une affaire d’honneur ! Or, c’est là ce que, moi, je ne sais pas !

— Eh bien ! j’ai l’honneur de vous l’apprendre !

— Sans doute, mais d’autres personnes affirment le contraire !

— Elles mentent, Ronald, je le prouverai avant qu’il soit longtemps !

— D’ailleurs, en deux mots comme en cent, voici : un homme qui a la malchance de prêter à de telles accusations ne saurait me convenir pour beau-frère ! s’écria Ronald.

— Je dois vous rappeler, dis-je, que nous combattons ici avec des armes inégales. Vous venez de refuser ma demande en alléguant, d’abord, que j’étais un imposteur, en second lieu que j’étais un prisonnier ennemi, et puis, en troisième lieu, que j’avais malhonnêtement assassiné un de mes camarades. Or, mon cher monsieur, ce sont là des arguments assez dangereux à faire valoir. De toute autre part que de la vôtre, je n’ai pas besoin de vous dire quel accueil j’y ferais : mais, vis-à-vis de vous, mes mains sont liées. J’ai tant de reconnaissance pour vous,