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nombre. Je me faufilai vivement à travers la foule des badauds, présentai mon invitation, et gravis un escalier décoré de bannières et de plantes vertes. Un vénérable vieillard en livrée m’accueillit en haut des marches. « Le vestiaire est à gauche, monsieur ! » Obéissant à cet ordre sommaire, je déposai entre les mains d’un autre domestique mon manteau, les galoches de feu Mac Rankine, et le plaid que m’avait jadis donné Flora ; c’était, de toute ma précieuse garde-robe, le seul objet que je n’avais pu me résigner à laisser derrière moi.

« Quel nom, monsieur ? » demanda ensuite le vieillard en se précipitant sur ma carte d’invitation ; il lut le nom, respira un moment pour s’éclaircir la gorge, et hurla, provoquant tous les échos de la salle du bal : « Monsieur Ducie ! »

Ai-je besoin de dire l’effroyable gêne qui me paralysait ? Heureusement une danse avait commencé ; et déjà les chaises, le long des murs, étaient assez garnies. En fait, les invités de seconde qualité étaient déjà arrivés, et se trouvaient absorbés dans l’intéressante occupation de voir entrer les invités plus notables. Je pus donc me glisser dans un coin, sans exciter d’autre attention que celle d’un petit maître de cérémonies qui, lorsque la danse fut achevée, se détacha d’un groupe voisin et s’approcha de moi avec un sourire insinuant.

« Monsieur Ducie, si j’ai bien entendu ? Monsieur, sans doute, est étranger dans notre capitale ? J’espère que monsieur est un danseur ? Permettez-moi, monsieur Ducie, de vous trouver une partenaire ! »

J’eus une forte tentation d’accepter son offre, et de me faire présenter par lui à l’imposante jeune fille, toute en dents, en yeux, et en épaules, avec qui Ronald s’était entretenu tendrement pendant la soirée de M. Robbie. Un tour de danse avec cette jeune personne aurait été pour moi un divertissement salutaire : salutaire pour calmer un instant mon agitation, mais, sans doute, infiniment dangereux pour la suite de mes destinées. J’eus la force de me