Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Tous mes regrets ! dis-je en souriant.

— Mais la vérité est que vous devez tout savoir ! Vous tous, dans la chambrée B, vous savez ce qui en est. Et je vous demande quel sens il y a à poursuivre indéfiniment cette plaisanterie, ici, entre amis ! Allons, allons, décidez-vous !

— Je vous écoute avec intérêt, dis-je ; au fond, peut-être est-ce vous qui allez me renseigner ! ».

Le major Chevenix croisa lentement ses longues jambes.

« Je comprends, fit-il, que vous ayez des précautions à garder. J’imagine qu’un serment aura été passé entre vous. Je comprends cela parfaitement. (Il me dévisageait, tout en parlant, de ses yeux brillants et froids.) Et je comprends aussi que vous soyez particulièrement soucieux de tenir votre parole, étant donné qu’il s’agit là d’une affaire d’honneur.

– D’une affaire d’honneur ? répétai-je, sur un ton étonné.

— Alors, ce n’était pas une affaire d’honneur ? demanda-t-il.

— Qu’est-ce qui n’était pas une affaire d’honneur ? Je ne vous suis pas »

Le major, ne fit aucun signe d’impatience. Il se borna à rester silencieux pendant un instant ; après quoi il reprit, de la même voix placide et bienveillante :

« La commission et moi avons été d’accord pour ne pas tenir compte de votre témoignage. Mais il y avait une différence entre moi et les autres officiers : car je connaissais mon homme et ils ne le connaissaient pas. Ils voyaient en vous un soldat ordinaire, et moi je vous savais un gentleman. Pour eux, votre déposition n’était qu’un tissu de mensonges, et qu’ils n’écoutaient qu’en bâillant. Moi, je me demandais : « Jusqu’où un gentleman pourra-t-il aller dans cette voie ? Sûrement, il n’ira pas jusqu’à faire qu’un meurtre demeure impuni ? » Et ainsi, quand je vous entendis affirmer que vous ne saviez rien de l’affaire, et le reste, je traduisis votre témoignage d’une autre façon que mes