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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/101

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l’autre au bien idéal, à ce qu’on appelle le « bien suprême » et toutes deux finalement se complètent, car l’homme d’inclination « matérielle » sacrifie tout à un schéma idéal, à sa vanité, l’homme de sentiments purement « spirituels » sacrifie à une jouissance matérielle, au « bien vivre ».

On croit avoir tout dit quand on a prêché le « désintéressement ? » Qu’entend-on par là ? Quelque chose d’assez semblable à « l’abnégation de soi. » Qu’est-ce que ce moi qui doit être nié et qui ne doit avoir aucun besoin ? C’est toi-même, il me semble. Et dans l’intérêt de qui cette abnégation de toi-même t’est-elle commandée ? Dans l’intérêt de toi-même et parce que par ton désintéressement tu sers tes véritables intérêts.

C’est toi qu’il faut servir et cependant tu ne dois pas chercher ton intérêt.

On tient pour désintéressé le bienfaiteur de l’humanité, un Franke qui fonde les maisons d’orphelins, un O’Connell qui travaille infatigablement pour la cause irlandaise, et aussi le fanatique : saint Boniface qui consacre sa vie à la conversion des païens, Robespierre qui sacrifie tout à la vertu, Kœrner qui meurt pour Dieu, son roi et la patrie. Par suite les adversaires d’O’Connell, entre autres, ont cherché à découvrir en lui l’intérêt, la soif du gain, à quoi la Rente O’Connell parut donner quelque fondement ; ils espéraient, en mettant en soupçon son « désintéressement » détacher facilement de lui ses adhérents.

Que pouvait-on cependant montrer de plus, si ce n’est qu’O’Connell travaillait à un autre but qu’à celui qu’il affichait ? Voulut-il gagner de l’argent ou libérer le peuple ? Il demeure cependant certain que dans l’un comme dans l’autre cas, il a lutté pour un but, et en