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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/11

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Qu’est-ce que cet Homme qui est pour vous l’absolu ? Est-ce tel homme que voici ? Non, mais l’Homme qu’il y a en lui et qui n’est pas lui. C’est ce quelque chose de divin, cet esprit, cet au-delà qu’il porte en lui et vers lequel il doit tendre. En discuter la réalité c’est faire de la scolastique, c’est demander à propos de tel chien si le Chien dans ce chien a une existence réelle.

Nous entrons alors dans le royaume des fantômes.

Le fantôme c’est l’Idée, c’est l’Esprit. Nous sommes possédés, comme au moyen âge on était possédé du Mauvais. Aujourd’hui ce sont des concepts qui nous possèdent, mais, comme dans la possession par l’esprit du Mal, notre personnalité est abolie. Car nous ne sommes que la demeure de l’Esprit, du Saint-Esprit. C’est la réalisation du règne terrestre du Christ. En effet, pour le christianisme l’esprit et l’esprit seul est vérité. Tandis que pour l’antiquité le monde seul était une vérité dont elle soupçonna la relativité, jusqu’à ce qu’elle découvrit enfin la non-vérité de cette vérité. L’œuvre commence avec Socrate, elle continue et s’achève dans les temps chrétiens.

Désormais ce n’est plus le monde, c’est l’esprit qui est vérité. Elle est insaisissable ici-bas parce qu’elle existe en dehors et au-delà du monde. Abstraire l’individu des contingences terrestres pour le faire vivre dans cet au-delà, c’est à quoi se ramènent toutes les tentatives actuelles. C’est l’esprit, ce sont les esprits aujourd’hui qui sont les véritables maîtres du monde, il y en a partout : « Fantômes dans tous les coins ». Nous sommes hantés par les idées de Dieu, de Droit, de Vérité, de Justice, de Patrie, d’Honneur, etc., etc. Nous en sommes les esclaves. En proie à l’idée nous nous agitons désespérément dans une sarabande folle et le monde apparaît au spectateur froid comme une « maison de fous ».

Mais ceux-là mêmes qui s’érigent en adversaires du christianisme sont encore des chrétiens, parce qu’ils opposent des concepts aux concepts. Bien plus, ils sont infiniment plus pieux, plus chrétiens que ceux qui glorifient le Christ. Car, avant la Réforme, le catholicisme faisait le départ bien net entre le temporel et le spirituel. Les insti-