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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/126

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à l’appel, la plupart au contraire agissent comme Ananias et Saphira, ils se comportent moitié en prêtres, moitié en êtres purement terrestres, ils servent Dieu et les hommes.

Je ne blâme pas la bourgeoisie de ne s’être pas laissé détourner par Robespierre des buts qu’elle poursuivait, c’est-à-dire d’avoir demandé à son égoïsme jusqu’où elle pouvait donner champ à l’idée révolutionnaire. Mais en admettant que l’on puisse ici porter un blâme il atteindra ceux qui, pour les intérêts de la classe bourgeoise, se sont laissé détourner des leurs propres. Pourtant n’apprendront-ils pas tôt ou tard à connaître leur intérêt ? Auguste Becker[1] dit : « Pour gagner les producteurs (prolétaires) une négation des idées de droit établies n’est en aucune manière suffisante. Les gens se préoccupent bien peu hélas ! du triomphe théorique de l’idée ; il faut leur démontrer ad oculos comment cette victoire peut être pratiquement utilisée pour la vie. » Et page 32 : « Vous devez empoigner les gens par leurs intérêts réels si vous voulez agir sur eux. » Et il montre qu’une belle immoralité se propage parmi nos paysans qui préfèrent suivre leur intérêt réel, que les commandements de la morale.

Les prêtres ou magisters révolutionnaires voulant servir les hommes, leur coupèrent le cou. Les laïques ou profanes de la Révolution n’avaient pas non plus une très grande horreur pour la guillotine ; mais ils étaient moins soucieux des droits de l’humanité, c’est-à-dire des droits de l’homme, que des leurs.

D’où vient pourtant que l’égoïsme de ceux qui affirment l’intérêt personnel et réclament après lui à tout propos, succombe devant un intérêt de prêtre ou de maître d’école, c’est-à-dire devant un intérêt idéal ?

  1. Volksphilosophie unserer Tage p. 22.