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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/135

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nelle, je redoute de porter atteinte au respect que je m’imagine lui devoir ? Il ne se passe pas autre chose dans l’époque moderne. Elle s’est bornée à transformer les objets existants, le despote réel, etc., en objets représentés, en concepts devant lesquels le Vieux Respect loin de se perdre s’est accru en intensité. Certes on narguait Dieu et le diable dans leur réalité grossière d’autrefois, mais on n’en était que plus attentif à leur concept. « Vous êtes délivrés des mauvais, le Mauvais est resté. » Se révolter contre l’État, renverser les lois existantes, on ne s’en faisait pas scrupule, étant résolu à ne pas s’en laisser imposer plus longtemps par les choses existantes et palpables ; mais pécher contre l’idée de l’État, ne pas se soumettre à l’idée de la loi, qui l’aurait osé ? Ainsi l’on restait « Citoyen de l’État », homme « loyal », conforme à la loi ; il semblait même que l’on fût d’autant plus légal que plus rationnellement on abrogeait les lois antérieures pleines de lacunes pour rendre hommage à « l’esprit de la loi. » En somme les objets n’avaient subi qu’une transformation mais ils avaient conservé leur toute puissance et suprématie ; l’homme demeurait enfoncé dans l’obéissance et dans l’obsession, il vivait dans la réflexion, il avait encore un objet sur lequel il réfléchissait, qu’il respectait, devant lequel il ressentait crainte et respect. On n’avait pas fait autre chose que de transformer les choses en conception de choses, en pensées, en idées ; la dépendance devint d’autant plus étroite et plus indissoluble. Par exemple, il n’est pas difficile de s’émanciper des commandements de ses parents, de se soustraire aux avertissements de l’oncle et de la tante, aux prières du frère et de la sœur. Seulement cette obéissance refusée poursuit son chemin à travers la conscience, et moins on cède aux