Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/137

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encore l’esclave du concept « morale ». La morale c’est « l’idée » des mœurs, leur puissance spirituelle, leur puissance sur la conscience ; au contraire, les mœurs sont trop matérielles pour commander l’esprit et leur lien n’est pas assez fort pour enchaîner un « intellectuel » un soi-disant indépendant, un « libre-penseur. »

Le protestant a beau faire, « les saintes Écritures », « la parole de Dieu » demeurent sacrées pour lui. Celui pour qui elles ne sont plus « sacrées » cesse d’être protestant. Par suite, ce qui s’y trouve « ordonné » est également sacré ; l’autorité instituée par Dieu, etc. ; ces choses demeurent pour lui indissolubles, inaccessibles, « au-dessus du doute », et comme le doute, qui en pratique est un ébranlement, est le propre de l’homme, ces choses demeurent au-dessus de l’homme même. Celui qui ne peut s’en délivrer, y croira, car y croire c’est y être lié.

La foi, dans le protestantisme, étant devenue plus intérieure, la servitude l’est devenue aussi ; on a introduit en soi-même ces choses sacrées, on les a liées intimement à tout son être, on en a fait des « cas de conscience », de « saints devoirs. » Ainsi, pour le protestant, est sacré ce dont sa conscience ne peut se défaire et l’on définit parfaitement son caractère en disant qu’il est consciencieux.

Le protestantisme a fait l’homme absolument approprié à un état où la police secrète est le moyen de gouvernement. La conscience, espion et mouchard, surveille tous les mouvements de l’esprit ; toute action, toute pensée est pour elle une « affaire de conscience », c’est-à-dire une affaire de police. C’est dans cette séparation de l’homme en deux, « instincts naturels » et « conscience » (populace de l’âme et police de l’âme) que con-