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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/179

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de maintenir dans la piété les travailleurs opprimés et ne songent qu’à leur prêcher la patience, la résignation, etc… Les classes opprimés ont pu supporter leur misère tant qu’elles furent chrétiennes, car le christianisme ne laisse pas grossir leurs murmures, ni leurs révoltes. Mais il ne sert plus maintenant de calmer leurs désirs, on veut les assouvir. La bourgeoisie a annoncé l’Évangile de la jouissance terrestre, matérielle, et elle s’étonne à présent que la doctrine trouve des adhérents parmi nous autres, pauvres gens ; elle a démontré que ce n’est pas la foi et la pauvreté, mais l’éducation et la propriété qui font le bonheur : Nous aussi, prolétaires, nous comprenons cela.

Le régime bourgeois a aboli l’autorité et l’arbitraire des individus, seulement il subsiste un arbitraire qui résulte de la conjoncture des circonstances et qui peut être appelé le hasard des choses : il reste le bonheur qui distribue ses faveurs et « les favoris du bonheur ».

S’il arrive par exemple qu’une branche d’industrie disparaisse et que des milliers de travailleurs se trouvent sans pain, il faut avoir la justice de reconnaître que la faute n’en est pas imputable à l’individu, mais que « le mal tient aux circonstances ».

Changeons donc les circonstances, mais changeons-les radicalement et de telle manière que le hasard soit impuissant et que ce soit là une loi ! Ne soyons pas plus longtemps esclaves du hasard ! Donnons-nous un nouvel ordre qui mette fin aux vicissitudes ; que cet ordre soit sacré !

Autrefois il fallait faire droit aux exigences des seigneurs pour réussir à quelque chose ; après la Révolution règne la formule : empare-toi du bonheur !