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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/214

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« Surtout pas de dogme ! » tel est son dogme ! Car le critique reste, avec le dogmatisme, sur le même terrain, celui de la pensée. Pareil à ce dernier, il part constamment d’une pensée, mais il en diffère en ce sens qu’il ne perd pas de vue la pensée fondamentale dans le processus de la pensée et ne la laisse pas se fixer. Il fait seulement prévaloir l’évolution de la pensée sur la foi en la pensée, il oppose le progrès à la stagnation. Devant la critique, il n’y a pas d’idée qui soit certaine, car la critique est l’acte de penser, l’esprit pensant même.

C’est pourquoi je répète que le monde religieux — qui est précisément le monde des idées — atteint son achèvement dans la critique dont la pensée va au delà de toutes les idées, aucune d’elles ne pouvant se fixer « égoïstement ». Que deviendrait la « pureté de la critique », la pureté de la pensée, si une seule idée échappait au procès général de la pensée ? On s’explique ainsi que le critique plaisante légèrement de temps à autre l’idée d’« homme, d’humanité » ; il pressent qu’il y a là une idée en voie de se fixer dogmatiquement. Mais il ne peut la résoudre avant d’en avoir trouvé une autre « supérieure » en laquelle elle disparaisse, car il ne se meut que dans le monde des idées. Cette idée supérieure pourrait être exprimée comme celle du mouvement de la pensée ou du procès même de la pensée, c’est-à-dire comme la pensée de la pensée ou de la critique.

De cette façon la liberté de pensée est devenue absolue en fait ; la liberté de l’esprit célèbre son triomphe : car les pensées isolées, « égoïstes » ont perdu leur violence dogmatique. Il n’est rien resté que le dogme de la libre pensée ou de la critique.