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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/226

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pieds le propriétaire d’esclaves. Si plus tard je suis libre de lui et de son fouet, ce n’est que la conséquence de mon égoïsme antérieur. On m’objectera peut-être que j’étais « libre » même en état d’esclavage, libre « en moi » ou « intérieurement » . Seulement être « libre en soi » ce n’est pas être « réellement libre » et « intérieurement » n’est pas « extérieurement » . Tandis qu’au contraire, quoique esclave, j’étais un être propre, mon bien propre absolument à moi, intérieurement et extérieurement. Mon corps n’est pas libre des tourments de la question et des coups de fouet quand il est l’esclave d’un maître cruel, mais ce sont mes os qui gémissent dans la torture, c’est ma chair qui palpite sous le fouet et je gémis parce que mon corps gémit. Si je soupire et si je tremble, cela prouve que j’ai encore conscience de moi-même, que je suis encore mon maître. Ma jambe n’est pas « libre » du bâton du maître, mais elle est ma jambe et ne peut m’être arrachée. Qu’il me l’arrache et voyez s’il a encore ma jambe ! Il n’a entre les mains que le cadavre de ma jambe, qui est aussi peu ma jambe qu’un chien mort n’est un chien. Un chien a un cœur qui bat, ce qu’on appelle un chien mort n’en a pas et pour cette raison n’est plus un chien.

Si on laisse entendre qu’un esclave peut être libre intérieurement, on ne dit là en fait que la plus indiscutable et la plus triviale des vérités ? Car qui donc ira affirmer qu’un homme quelconque est absolument sans liberté ? Si je suis un courtisan, ne puis-je être libre d’une infinité de choses, par exemple de la foi à Zeus, de la soif de gloire, etc. De même pourquoi un esclave fouetté ne pourrait-il pas être libre intérieurement de sentiments non-chrétiens, libre de haine pour ses enne-