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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/24

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bat, sinon je me soumettrai… en apparence. J’utilise tous les moyens à ma portée, la ruse, le mensonge, les faux serments. La société n’a pas de prise sur moi, parce que je ne connais pas le Respect et que je ne frémis pas devant les puissances invisibles qu’elle place sur ma route. Je ne me révolte pas et cependant ma vie est une insurrection constante. Je guette les instants de faiblesse des forces qui pèsent sur moi et je porte toute mon action là où elles défaillent. « Je contourne les lois d’un peuple jusqu’à ce que j’aie pu rassembler mes forces pour les renverser. » — « D’ailleurs, la tromperie, l’hypocrisie, le mensonge paraissent pires qu’ils ne sont. Qui, pour cacher une atteinte aux lois, ne voudrait tromper la police, la loi ; qui, devant les sbires, ne prendrait aussitôt la mine d’un citoyen honnête et loyal ? Celui qui ne le fait se laisse faire violence, il est lâche — par conscience. » Stirner paraît ainsi tenir en bien petite estime l’apôtre ou le héros. Son Égoïste n’a pas les yeux fixés sur le Surhomme du passé ou de l’avenir. Il ne cache pas dans sa paillasse un Mémorial de Sainte-Hélène et le portrait de Napoléon, il a simplement les yeux fixés sur lui-même. Stirner fait aussi peu de cas de l’héroïsme d’un Socrate. Pour lui, son refus de fuir est une faiblesse. Il avait encore la superstition du pouvoir établi et il sanctionna sa condamnation en l’acceptant.

Le vrai courage c’est d’oser secouer les chaînes idéales, d’affronter sans terreur le fantôme. L’État connaît nos âmes faibles : « Il ne compte pas sur notre bonne foi et notre amour de la vérité, mais sur notre intérêt et notre égoïsme, il fait fond sur ce que nous ne voulons pas nous brouiller avec Dieu par un faux serment. » Avec les temps nouveaux, naît une espèce nouvelle de héros : ceux qui sauront libérer leurs âmes des derniers préjugés, ceux qui auront « le courage héroïque du mensonge ». Voilà, soit dit en passant, qui mettrait singulièrement à l’aise certains grands menteurs de notre époque (1898-1899) qui se trouvent avoir réalisé, sans le savoir, l’Égoïste de Stirner.

L’Égoïste ne revendique pas de droits. Car ces droits lui sont ou octroyés ou reconnus, suivant qu’il a affaire à un prince ou à une République, ce qui suppose la possibilité