Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/288

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point de te noyer, un nègre te sera aussi agréable comme sauveur que le plus pur spécimen de la race caucasienne ; un chien même, dans ces circonstances, ne vaut pas moins qu’un homme. Mais, inversement, pour qui un chacun n’est-il ou privilégié ou réprouvé ? Dieu frappe les méchants de sa colère, la loi châtie ceux qui ne se conforment pas aux lois ; tu laisseras les uns te parler à tout instant, tu montreras aux autres la porte.

« L’égalité du droit » est également un fantôme, parce que le droit n’est rien moins qu’une autorisation, c’est-à-dire une chose de faveur, que d’ailleurs on peut acquérir aussi par le mérite ; car le mérite et la faveur ne sont pas en opposition ; la faveur veut aussi être « méritée » et notre sourire favorable ne va qu’à celui qui sait nous l’arracher.

Ainsi l’on rêve que « tous les citoyens soient égaux en droits ». En tant que citoyens de l’État, ils sont tous égaux pour l’État ; mais déjà il les répartira suivant ses buts particuliers, il les favorisera ou les mettra à l’arrière-plan ; plus encore, il les divisera en bons et mauvais citoyens.

Bruno Bauer résout la question juive en se plaçant au point de vue que le « privilège » n’est pas reconnu. Comme le juif et le chrétien ont chacun un avantage sur l’autre et qu’ils sont exclusifs sur cet avantage, il s’en suit qu’ils s’effondrent dans leur néant sous l’œil de la critique. Par là même son blâme atteint aussi l’État qui autorise leur avantage et en fait un « privilège » qui porte atteinte à sa mission d’être un « État libre ».

Mains maintenant un homme a toujours quelque avantage sur un autre, notamment l’avantage de soi-même,