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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/403

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en soi et pour soi, objet d’amour. Ce n’est pas moi qui le fais objet de l’amour, il l’est de lui-même, car, qu’il le soit devenu du fait de mon choix, par les fiançailles, le mariage, etc., cela ne fait rien à l’affaire ; une fois choisi, il a pour toujours « un droit propre à mon amour » et, parce que je l’ai aimé, je suis obligé de l’aimer éternellement. Ainsi donc il n’est pas l’objet de mon amour, mais de l’amour en général : un objet qui doit être aimé. L’amour lui revient, lui est dû, c’est son droit, mais moi, je suis obligé de l’aimer. Mon amour, c’est-à-dire l’amour dont je lui paye le tribut est en réalité le sien qu’il ne reçoit de moi que comme tribut.

Tout amour dans lequel on trouve la moindre trace d’obligation est désintéressé et il est « possession » dans la mesure de cette obligation. Celui qui croit devoir quelque chose à l’objet de son amour, aime en romantique ou en religieux.

L’amour de la famille, par exemple, conçu ordinairement comme « piété » filiale est un amour religieux ; « l’amour de la patrie » prêché comme « patriotisme » également. Tout notre amour romantique se meut dans le même cadre : partout l’hypocrisie ou plutôt le mensonge que l’on se fait à soi-même d’un amour « désintéressé », — intérêt que je porte à l’objet pour l’amour de l’objet lui-même et non pour l’amour de moi et seulement de moi.

L’amour religieux ou romantique se distingue à la vérité de l’amour sensuel par la différence de l’objet, mais le rapport de l’homme à l’objet reste le même. Dans les deux cas on est possédé, sauf que dans le premier l’objet est sacré, dans l’autre il est profane. La domination sur moi est la même sauf que tantôt c’est