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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/406

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croyant en pourrait dire autant au même titre, de sa foi : l’amour déraisonnable n’est ni « faux », ni « pernicieux », il remplit comme amour sa fonction.

À l’égard du monde, particulièrement à l’égard des hommes, je dois avoir un sentiment déterminé et au début éprouver un sentiment d’amour « aller au devant d’eux avec amour ». À vrai dire il s’y manifeste bien plus d’arbitraire et d’action personnelle que lorsque je me laisse assaillir par tous les sentiments du monde et que je demeure exposé aux impressions les plus fortuites et les plus confuses. Je vais plutôt à eux avec un sentiment préconçu, en quelque sorte avec un préjugé, une opinion faite ; j’ai caractérisé par avance mon attitude envers eux et je sens et je pense d’eux ce que je suis décidé à en penser, en dépit de leurs efforts. Je m’assure par le principe de l’amour contre la domination du monde, car quoi qu’il arrive — j’aime. La laideur par exemple fait de moi une impression désagréable ; seulement, étant résolu à aimer, je dompte cette impression comme toute antipathie.

Mais le sentiment auquel je me suis déterminé à priori et condamné, est un sentiment borné parce qu’il est prédestiné et que je ne puis m’en détacher ou m’en dédire. Parce que préconçu, c’est un préjugé. Je ne me présente plus contre le monde, c’est mon amour qui se manifeste. À vrai dire si le monde ne me domine pas, il est d’autant plus inévitable que l’esprit d’amour me domine. J’ai vaincu le monde pour devenir esclave de cet esprit.

Ayant dit d’abord, j’aime le monde, j’ajoute maintenant : je ne l’aime pas, car je l’anéantis comme je m’anéantis : je le résous. Je ne me borne pas à un sentiment unique pour les hommes, mais je donne libre