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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/415

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alors mon amour de la vérité en m’enlevant le courage de mentir aura causé la perte de mon ami. Celui pour qui la vérité est une idole, une chose sainte, doit s’humilier devant elle, il ne doit pas braver ses ordres, il ne doit pas lui résister, bref il doit renoncer au courage du mensonge. Car il n’y a pas moins de courage dans le mensonge que dans la vérité, courage que l’éducation s’efforce de briser chez la plupart des jeunes gens qui préfèrent confesser la vérité et affronter l’échafaud plutôt que de confondre le pouvoir des ennemis par l’impudence d’un mensonge. Pour ceux-là, la vérité est « sainte » ; or le saint exige en tout temps respect aveugle, soumission, sacrifice. Si vous n’êtes pas effrontés, si vous ne vous moquez pas de la chose sainte, vous en êtes les serviteurs dociles. Qu’on mette seulement un petit grain de vérité dans le piège, vous allez à coup sûr y donner du bec — et voilà notre sot pris. Vous ne voulez pas mentir ? Tombez en holocauste à la vérité — soyez martyrs ! Martyrs pour quoi ? Pour vous, pour votre propriété ? Non, pour votre déesse, — la vérité. Vous ne connaissez que deux sortes de servages, que deux sortes de serviteurs : serviteurs de la vérité, serviteurs du mensonge. Servez donc, au nom de Dieu, la vérité !

D’autres encore servent la vérité, mais « avec mesure » et ils font par exemple une grande distinction entre le mensonge simple et le mensonge juré. Et cependant tout le chapitre du serment coïncide avec celui du mensonge, car un serment n’est qu’une affirmation plus forte. Vous vous tenez pour autorisés à mentir tant que vous ne jurez pas. En stricte justice, on doit juger et condamner un mensonge aussi sévèrement qu’un faux serment. Mais il subsiste dans la