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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/440

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que je ne cherche plus, c’est seulement alors que je suis vraiment ma propriété. Je me possède, c’est pourquoi je me sers de moi, je jouis de moi. Au contraire je ne puis jamais jouir de moi, tant que je pense avoir encore à trouver mon vrai moi et devoir en venir à ce que, non pas moi, mais le Christ ou quelque autre moi immatériel c’est-à-dire fantasmatique comme par exemple, le vrai moi, l’essence de l’homme et autres imaginations, vive en moi.

Il y a un énorme écart entre les deux conceptions : dans l’ancienne, je vais vers moi, dans la nouvelle j’en pars ; dans celle-là j’aspire à moi, dans celle-ci j’ai mon moi, et j’en use avec moi comme avec toute autre propriété. Je jouis de moi à ma guise. Je ne m’inquiète plus de la vie, j’en « use ».

Dès maintenant, la question n’est plus, comment peut-on acquérir la vie, mais comment en user, comment en jouir ; en d’autres termes il ne s’agit plus de rétablir en soi le vrai moi, mais de se résoudre et d’user de soi par la vie même.

Qu’est l’idéal sinon ce moi toujours cherché et toujours lointain ? On se cherche, c’est donc qu’on ne se possède pas encore. On tend vers ce qu’on doit être, c’est donc qu’on ne l’est pas. On vit dans l’aspiration et voilà des milliers d’années qu’il en est ainsi et qu’on a vécu en espérance. On vit tout autrement dans la jouissance !

Cela concerne-t-il seulement ceux qu’on appelle les hommes religieux ? Non cela s’adresse à tous ceux qui appartiennent à cette époque finissante, même à ceux qui en sont les hommes d’action. Car pour eux aussi les jours ordinaires sont suivis d’un dimanche, après les affaires d’ici-bas vient le rêve d’un monde meilleur,