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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/451

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cela, ils le sont réellement, parce qu’ils ne sont pas en état d’être ce qu’ils ne sont pas : car être en état signifie être réellement. On n’est pas en état d’être ce qu’on n’est pas réellement ; on n’est pas en état de faire ce qu’on ne fait pas réellement. Un homme qui a la cataracte pourra-t-il voir ? Oui, s’ils se fait opérer et que l’opération réussisse. Seulement, à l’heure actuelle, il ne peut pas voir parce qu’il ne voit pas. Possibilité et réalité coïncident. On ne peut rien que l’on ne fait pas, de même qu’on ne fait rien que l’on ne peut pas.

L’étrangeté de cette affirmation disparaît si l’on considère que les mots « il est possible que, etc. » ne cachent pas un autre sens en soi que celui-ci : « je peux m’imaginer que, etc. » ; par exemple, il est possible que tous les hommes vivent raisonnablement, c’est-à-dire que je puis m’imaginer que tous les hommes, etc. Maintenant comme ma pensée ne peut faire et par conséquent aussi ne fait pas que tous les hommes vivent raisonnables, mais qu’elle doit laisser ce soin aux hommes eux-mêmes, la raison universelle n’est imaginable que pour moi, c’est une chose que je puis concevoir, mais comme telle, en fait, une réalité, qui ne peut être appelée possibilité que relativement à ce que je puis faire, ainsi faire des autres des êtres raisonnables. Autant qu’il dépend de toi, tous les hommes pourraient être raisonnables, car tu n’as rien là contre ; aussi loin que ta pensée peut atteindre, tu ne peux découvrir aucun empêchement, et par conséquent, dans ta pensée aussi, rien ne s’y oppose : la chose t’est concevable.

Mais comme maintenant les hommes ne sont pas tous raisonnables, ils pourront aussi bien ne pas l’être.