Aller au contenu

Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

achevé, cette pensée est cette intériorité, en laquelle tous les flambeaux du monde s’éteignent, toute existence s’anéantit, l’homme intérieur (la tête, le cœur) est tout. Le royaume des pensées attend sa délivrance, il attend comme le sphynx attend Œdipe pour pouvoir retourner en son néant. Je suis celui qui l’anéantit, car il ne forme plus de royaume propre dans le royaume du Créateur, plus d’État dans l’État, mais il est la créature de ma force créatrice, affranchie de toute pensée. Le monde chrétien, le christianisme et la religion elle-même ne peut disparaître qu’en même temps que le monde pensant, frappé d’immobilité s’anéantit ; c’est seulement quand les pensées s’en vont qu’il n’y a plus de croyants. Pour le penseur, penser est un travail sublime, une « sainte activité » et cet acte repose sur une foi solide, la foi en la vérité. Tout d’abord la prière est une sainte activité, puis cette sainte « dévotion » (andacht) se transforme en une « pensée » (denken) raisonnable et raisonnante qui conserve comme base immuable « la sainte vérité » et n’est qu’une machine admirable que l’Esprit de vérité monte à son service. La pensée libre et la science libre m’occupent, — car ce n’est pas moi qui suis libre, mais la pensée, ce n’est pas moi qui m’occupe, mais la pensée — elles m’occupent, dis-je, avec le ciel et les choses du ciel ou le « divin » ou à proprement parler avec le monde et les choses du monde, sauf que c’est un « autre monde », il n’y a pas autre chose qu’un renversement, un dérangement du monde (verrükung), c’est une occupation qui a pour objet l’essence du monde, d’où un dérangement de l’esprit (verrücktheit). L’homme qui pense est aveugle en face de l’immédiateté des choses et incapable de s’en rendre maître : il ne mange pas, il ne boit pas, il ne jouit pas, car