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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/483

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apparais, elle ne peut se mouvoir, se modifier, se développer ; la vérité attend et reçoit tout de toi, et n’est même que par toi ; car elle n’existe que dans la tête. Tu concèdes que la vérité est une pensée, mais tu n’accordes pas que toute pensée soit vérité, ou comme tu le dis très bien, toute pensée n’est pas vraiment ni réellement pensée. Et à quoi reconnais-tu l’irréalité ou la réalité de la pensée ? À ton impuissance, à ce que tu n’as plus de prise sur elle ! Si elle te subjugue, t’enthousiasme et t’entraîne, tu la tiens pour vraie. Sa domination sur toi te donne la mesure de sa vérité, et quand elle te possède et que tu en es possédé, alors tu es satisfait. Tu as enfin trouvé ton seigneur et maître. Lorsque tu cherchais la vérité, à quoi ton cœur aspirait-il ? À son maître ! Ce n’est pas ta puissance que tu as en vue, mais un Seigneur que tu veux exalter. (« Exaltez le Seigneur notre Dieu. ») La vérité, mon cher Pilate, c’est le maître, et tous ceux qui cherchent la vérité, cherchent et louent le maître. Et où existe-il ? Où, sinon dans ta tête ? Il n’est qu’esprit et toujours où tu crois l’apercevoir, il n’y a qu’un fantôme ; et c’est seulement l’anxiété du christianisme tourmenté du besoin de rendre visible l’invisible, de donner un corps à l’esprit, qui a créé le fantôme ; ce fut le gémissement craintif de la foi aux fantômes.

Tant que tu crois à la vérité, tu ne crois pas à toi, tu es un serviteur, un homme religieux. Toi seul est la vérité, ou plutôt, tu es plus que la vérité qui pour toi n’est rien. Certes, tu questionnes aussi sur la vérité ; certes aussi tu « critiques », mais tu n’interroges pas sur une « vérité supérieure » qui serait plus haute que toi, et tu n’en critiques pas le criterium. Tu te donnes comme le but unique de tes pensées et représentations,