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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/72

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à la recherche de son bien et cependant ne se considère pas comme l’Être suprême ; qui ne sert que soi-même et cependant croit servir un être supérieur, qui ne connaît rien de plus haut que soi en même temps qu’il est transporté par ce qui est plus haut ; bref pour l’égoïste qui ne voudrait pas être égoïste et s’abaisse, c’est-à-dire, combat son égoïsme, mais aussi s’abaisse « pour être élevé » et de la sorte satisfaire son égoïsme. Parce qu’il voudrait cesser d’être égoïste, il cherche au ciel et sur terre des êtres supérieurs auxquels vouer ses services et se sacrifier, mais il a beau se secouer et se mortifier, en fin de compte il ne travaille que pour lui-même et ce maudit égoïsme ne le lâche pas. C’est pourquoi je l’appelle égoïste involontaire.

Cet effort, ce souci constant de se dégager de soi n’est rien que l’instinct incompris qui le pousse à chercher la délivrance de son moi. Parce que tu es lié à ton heure passée, parce que tu dois marmotter aujourd’hui la même chose qu’hier[1], parce que tu ne peux te transformer à tout instant, tu te sens esclave et frappé d’immobilité. C’est pourquoi, au-dessus de chaque minute de ton existence, il y a une fraîche minute d’avenir qui te fait signe ; alors tu te développes, tu te dégages de toi-même, de ton moi particulier. Chaque instant que tu vis, tu es ta créature, et tu voudrais ne pas te perdre, toi, créateur, dans ta « créature ». Tu es toi-même un être supérieur à toi-même, tu te surpasses toi-même. Seulement c’est une chose que tu méconnais, étant égoïste involontaire, et l’« être supérieur » est pour

  1. Comme ils carillonnent les prêtres, avec quelle sollicitude,
    Pour que l’on vienne, uniquement pour marmotter comme on l’a fait hier.
    Ne raillez pas les prêtres, ils savent ce dont l’homme a besoin ;
    Son bonheur c’est de marmotter demain ce qu’il a marmotté aujourd’hui.