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Page:Streckeisen-Moultou - J.-J. Rousseau, ses amis et ses ennemis, t1, 1865.djvu/345

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A J.-J. ROUSSEAU.

il le reconnaît en partie et l’attribue plus à légèreté, précipitation, malentendu, qu’à un dessein réfléchi de vous nuire. Cependant il prétend que par cette note de votre Lettre à M. d’Alembert, vous l’avez percé d’un trait cruel et douloureux qui fait le malheur de sa vie ; il ajoute que quelque graves que pussent être ses torts, ravir l’honneur à un homme sensible, c’est plus que lui arracher la vie, et que c’est le cas où vous êtes vis-à-vis de lui. Il y aurait de la témérité à moi de vous parler de la disposition à pardonner, naturelle aux âmes grandes et généreuses. J’ignore vos motifs ; mais quels qu’ils puissent être, quelque atrocité, quelque noirceur que je suppose aux procédés de M. Diderot, je mets les choses au pis, pourrez-vous refuser l’oubli du passé et le désaveu de cette note funeste à un ami de vingt années, que vous avez blessé mortellement, et qui vous en prie, en vous demandant grâce… ?


IV


CHAMFORT [1]


Paris, ce 14 mai 1764.

Quoique vous souhaitiez d’être oublié, vous ne voulez sûrement pas l’être de ceux qui vous ont des obligations. C’est à ce seul titre que je vous envoie une petite pièce qu’on

  1. J. B. Nicolas, dit Chamfort, poëte et littérateur, né en 1741 en Auvergne, mort à Paris en 1794. — Secrétaire des commandements du prince de Condé en 1776. Lecteur de madame Élisabeth ; reçu membre de l’Académie française en 1781. — A la Révolution, il fut nommé conservateur de la Bibliothèque nationale. Ses écrits les plus estimés sont : les Éloges de Molière et de La Fontaine ; la Jeune Indienne et le Marchand de Smyrne, comédies ; Mustapha et Zéangir, tragédie.