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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/148

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racines et leur bouches velues qui tettent la terre ; la tige envie le bruissement des feuilles et leurs jours plus légers. Les grands arbres immobiles se résignent, sages au front toujours levé pourtant ; ils envient la folie des bêtes qui courent sous le couvert, et les nuées, les vastes troupeaux des chimères, en route pour les batailles de la pluie. Et les feuilles envient le vol des oiseaux. Ainsi, tous rêvent. Et nous, malheureux, qui avons toutes les envies, qu’envions-nous ? — L’amour, qui rassemble toute la vie en un don de soi-même, que l’on fait pour le recevoir, et qu’on reçoit à genoux pour le faire. Et dans l’amour, c’est la vie qui nous fuit de toutes parts : le don qui devrait être éternel, la mort nous le vole ; elle le dérobe à nos mains qui en sont pleines, et les remplit en retour des cendres de notre